Henri Cartier-Bresson
The Decisive Moment / Images à la sauvette.
Henri Cartier-Bresson. The Decisive Moment / Images à la sauvette, Steidl, 2014www.steidl.de ISBN 978-3-86930-819-7
Il n’y a rien en ce monde qui n’ait un moment décisif, et le chef d'oeuvre de la bonne conduite est de connaître et de prendre ce moment.
Photographier : c’est dans un même instant et en une fraction de seconde reconnaître un fait et l’organisation rigoureuse de formes perçues visuellement qui expriment et signifient ce fait.
Images à la sauvette (The Decisive Moment) est une monographie qui regroupe les photographies réalisées par Henri Cartier-Bresson durant les vingt premières années de sa carrière. La première édition a été publiée chez Verve à l’initiative de Tériade en 1952. La présente édition est un fac-similé de l’ouvrage original, augmenté d’une étude de Clément Chéroux, relatant les conditions de réalisation de l’ouvrage, sa fortune critique et les enjeux du titre.
Une bible pour les photographes selon Robert Capa. Ce livre est un bel objet d'art par sa couverture illustrée par Matisse, sa qualité d'impression exceptionnelle et son format qui relève du portfolio.
Les photographies sont remarquables. Elles témoignent une parfaite maitrise du cadre et de la géométrie tout en laissant entrer quelque chose d'imprévu.
Ce livre est à l'origine du concept d'instant décisif. L'éditeur anglais ne sachant pas comment traduire le titre « Images à la sauvette » s'inspira de la fameuse citation du Cardinal de Reitz et nomma l'édition anglaise « The decisive moment ». Le succès de l'édition internationale associera Henri Cartier-Bresson à cette expression qui sera ensuite traduite en français par « instant décisif ».
Si ce terme ne plaisait pas à Henri Cartier-Bresson le concept reste utile pour analyser certaines de ses images. C'est le moment où tous les éléments s’assemblent pour produire une image optimale comme l’illustre la célèbre photographie d’un homme sautant au-dessus d’une flaque sur le pont de l’Europe avec en fond la gare St Lazare.
J'avais surtout le désir de capter dans une seule image l'essentiel d'une scène qui surgissait.
Ce livre sera un succès international qui influencera toute une génération de photographes. Qu'ils adoptent les lois édictées par Henri Cartier-Bresson ou qu'ils les refusent à l'image de William Eggleston pour n'en citer qu'un.
Henri Cartier-Bresson
Henri Cartier-Bresson, Clément Chéroux, Centre Pompidou Eds Du, Les cahiers du musée national d’art moderne, 2013Photographier c’est mettre sur la même ligne de mire la tête, l'œil et le coeur.
Ce livre accompagne une superbe retrospective au Centre Pompidou en 2014 dix ans après sa disparition.
Le livre est à la fois chronologique et thématique :
- - ses premières années (1926 à 1935) : le surréalisme, ses grands voyages au Mexique et aux Etats-Unis...
- - son engagement politique (1936 - 1946) ;
- - les années Magnum (1947 - 1970) : sa rétrospective au Museum of Modern Art (MoMA) en 1947 ; la création de MAGNUM avec Robert Capa, David Seymour, George Rodger et William Vandivert en 1951...
- - le temps du dessin, l'arrêt progressif du reportage...
L'ambition réussie de Clément Chéroux (commissaire de l'exposition) est de nous révèler toute la richesse de son travail et la diversité de son parcours de photographe.
Avec ses 400 pages et ses 500 illustrations ce livre me semble constituer la meilleure façon d'aborder l'oeuvre de Henri Cartier-Bresson
à propos d'Henri Cartier-Bresson
1908 - 2004
Photographier, c'est une attitude, une façon d'être, une manière de vivre.
[...] il vivait son Leica à la main, de l’aube à la nuit, en chasse perpétuelle.
Que dire qui n'ait déjà été dit sur « L'oeil du siècle » selon Pierre Assouline ? Cartier-Bresson aura eu une influence majeure dans le monde entier au XX-ième siècle.
Son nom m'évoque pêle-mêle : Magnum, le Leica M, la géométrie, la composition, le tir photographique, l'instant décisif, le filet noir ou l'absence de recadrage... et bien sûr ses images.
L'histoire fait son oeuvre. On découvre un personage complexe et quelquefois changeant. Par exemple, le fameux « filet noir » apparait très tardivement dans son oeuvre et de plus, il semble que ce soit une idée de Pierre Gassmann (Laboratoire Pictorial Service) pour éviter que les magazines recadrent les photos.
Avec le recul, c'est le Cartier-Bresson des premières années que je préfère.
A commencer par ses nus. Peut-être parce qu'il y en a peu ? Je pense à la sensualité des courbes de Leonor fini (Nu, Italie, 1933), à « L'araignée d'amour, Mexico, 1932 »...
En 1934 au Mexique, j’ai eu beaucoup de chance. Je n’ai eu qu’à pousser une porte. Deux lesbiennes étaient en train de faire l’amour. C’était d’une volupté, d’une sensualité… On ne voyait pas leur figure. J’ai appuyé. C’est un miracle d’avoir vu ça. Ça n’a rien d’obscène. L’amour physique dans toute sa plénitude...
Concernant la géométrie, arrêtons nous sur des images comme : «Valence, Espagne, 1933» ou « Salerne, Italie, 1933 »...
La composition repose sur le hasard. Jamais je ne calcule. J’entrevois une structure et j’attends que quelque chose se passe. Il n’y a pas de règle. Il ne faut pas trop chercher à expliquer le mystère. Il est préférable d’être disponible, un Leica à porté de main.
Et pour finir sur l'instant décisif : "Hyères, France, 1932", "Derrière la gare Saint-Lazare, Paris, France, 1932". Cependant, comme l'explique très bien Clément Chéroux c'est plutôt du tir photographique dont il faudrait parler.